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Entretien avec Debra Granik

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Qu’est-ce qui vous a donné envie d’adapter le roman Winter’s Bone ?
J’ai lu ce livre d’une traite. Ça ne m’était pas arrivé depuis longtemps. Je voulais voir comment cette fille, Ree, allait survivre. On aurait dit un conte ancestral, avec un personnage que je ne pouvais pas m’empêcher de soutenir dans sa quête et une atmosphère noire que mon esprit essayait activement de conjurer. Cela me paraissait aussi très original : j’ai rarement l’occasion d’imaginer une vie comme celle de Ree, qui diffère tellement de la mienne !

Comment avez-vous collaboré avec l’auteur du roman, , pour réaliser ce film ?
Pour lancer ce projet, la productrice et moi avons rencontré Daniel Woodrell dans sa maison du sud du Missouri et on est parties en repérage avec lui. On a observé les cours d’eau, les grottes, les maisons. On a photographié des jardins, des routes et des bois. Katie Woodrell, la femme de Daniel, s’est arrangée pour qu’on rencontre des chanteurs, des conteurs, des spécialistes du folklore des Ozarks. On a également eu une conversation instructive et étonnante avec le shérif sur le problème de la « meth », cette drogue synthétique qui a fait des ravages au cours des deux dernières décennies. Cette visite a été très constructive. On savait aussi que pour aller plus avant, il nous faudrait un guide originaire de la région qui nous présenterait à une communauté que l’on pourrait finir par convaincre de travailler avec nous.

Parlez-nous de votre collaboration avec
Jen a pris son rôle à cœur et a travaillé très dur pour entrer dans l’univers de Ree. Elle a utilisé ses racines de fille du Kentucky pour tout ce qui concerne la chasse, la coupe du bois, etc. Selon moi, elle avait déjà un très bon accent qui allait bien à Ree. Même si le script contenait des expressions qui ne nous étaient pas familières, Jen en connaissait certaines qu’elle avait entendues dans son enfance. Quand elle est arrivée dans le Missouri avant le tournage, elle a travaillé en étroite collaboration avec la famille qui vivait sur la propriété où on a tourné le film. Elle a appris à manier le matériel, mémorisé les noms des chiens et sympathisé avec les enfants. Elle joue le rôle d’une aînée qui a un frère et une sœur. Elle a aussi improvisé et répété avec eux pour les mettre à l’aise. Jen s’investit beaucoup avec les autres acteurs, ce qui veut dire qu’elle est toujours en train d’apprendre, d’assimiler et de se remettre en question. Je trouve qu’on a eu beaucoup de chance de faire ce film ensemble.

Comment voyez-vous le personnage de Ree ?
Ree se concentre sur son désir de voir grandir son frère et sa sœur. Elle est prête à se battre pour éviter que sa famille ne se désagrège. Je la vois comme une lionne qui cherche à protéger son troupeau. C’est aussi une adolescente qui éprouve un sentiment d’impuissance quand les adultes autour d’elles font des choix dangereux ou se retrouvent entraînés dans un mode de vie destructeur. Elle ne peut pas faire grand-chose pour sortir son père de la meth ou aider son oncle dépendant aux médicaments. Pourtant, elle tient à eux. C’est une situation déchirante pour quelqu’un d’aussi jeune. Tout ce qu’elle peut faire, c’est essayer d’être différente.
Comme beaucoup de héros de films, Ree doit lutter. On ne voit guère son côté adolescent. On ne la voit pas vraiment s’amuser avec son amie Gail ou flirter avec des garçons. Tout au long de l’histoire, elle se concentre sur ce qu’elle doit faire. La quête de son père l’absorbe. Il y a une échéance. On voit que Ree ne supporte pas qu’on ne lui réponde pas. Quand il s’agit de justice, j’aime les personnages qui ne tolèrent pas qu’on les entrave dans leur quête. Je veux toujours savoir comment ils vont faire pour s’en sortir. On ne sait peut-être pas ce qui motive Ree, mais on a envie de voir une fille qui a une telle force de caractère. Les héros sont souvent laconiques et distants. J’imagine qu’on se dit tout le temps : « Pourquoi elle continue ? Pourquoi elle n’abandonne pas ? D’où vient sa détermination ? »

Comment avez-vous fait connaissance avec ces personnages et créé un environnement réaliste et naturel pour raconter cette histoire ?
On a commencé par chercher une famille qui vivait dans un cadre proche de celui décrit dans le livre. On devait trouver une famille qui nous laisserait voir sa maison, ses habits, ses affaires, ses repas, qui nous laisserait les voir chasser, s’occuper des animaux et régler les problèmes du quotidien lorsqu’ils se présentent. On a fini par en trouver une et aussi des voisins qui étaient prêts à répondre à nos questions et à nous montrer leur quotidien.
Pour donner un côté naturel à l’environnement, on a tout tourné sur la même propriété. Les responsables des costumes ont trouvé des gens du coin qui étaient prêts à troquer des habits usagés contre des tenues de travail neuves. La vie quotidienne est dure, mêlée à la suie des poêles et à la poussière de cette terre pauvre du Missouri du sud. On a dû intégrer tout ça. Et en donnant pas mal de rôles à des habitants de la région, on a eu des gens qui corrigeaient le dialecte et vérifiaient ce qu’on faisait pour s’assurer que l’on ne se trompait pas.

Qu’avez-vous rencontré comme obstacles, étant donné le sujet ?
D’abord ceux inhérents au fait de travailler loin de chez soi. Les moyens de communication diffèrent. Ce n’est pas toujours possible de débarquer dans un nouvel endroit et d’utiliser un jargon technique. On fait facilement des faux pas. On avait besoin d’aide, comme tous les gens de la ville qui se retrouvent dans un environnement rural.
Les régions montagneuses sont représentées de façon simpliste par les étrangers. Le terme de « péquenaud » est souvent utilisé et ne laisse guère de place à la nuance. Les références à la contrebande et aux bagarres incessantes arrivent assez vite derrière. Durant nos recherches, on s’est posé certaines questions sur des stéréotypes indélébiles : qu’est-ce qu’un péquenaud ? Que signifient des objets abandonnés dans un jardin ? Que peut-on en déduire sur la personne qui vit dans la maison adjacente ? Il fallait qu’on fasse connaissance avec elle. Si on ne voit que le jardin, on perpétue le cliché d’un paysage laissé à l’abandon. Un jardin rempli d’objets est infiniment riche à photographier pour sa profondeur de champ, ses couleurs et ses textures. Mais qu’en est-il du jardin bien entretenu du bout de la rue ? Si on ne montre pas les deux, est-ce qu’on ne représente pas la région comme un endroit plein de jardins jonchés de détritus ? Voilà les questions qui se posaient à nous. Connaître la personne qui se cachait derrière le jardin nous a été très utile. Généralement, ce n’est qu’une famille qui essaie de s’en sortir.
Winter’s Bone relate différents aspects de la vie de Ree, certains très dérangeants. Comme beaucoup d’enfants, Ree voit des adultes se débattre avec la dépendance. La prédominance de substances destructrices comme la meth crée un climat général de violence, de tromperie, de dureté. C’est très dur à aborder, et encore plus dur à intégrer dans un film. De la contrebande au trafic de drogue, des économies marginales peuvent facilement dominer une culture jusqu’à la corrompre violemment. Qui a envie d’en parler ? Comment éviter les clichés ? Trente-cinq ans après Délivrance, même un banjo peut rester chargé de symboles. Au fil de nos voyages dans le sud du Missouri, des banjos n’ont cessé de surgir avec lyrisme et mystère. Le banjo a fini par trouver sa place dans le film, en offrant des notes d’espoir et de persévérance. Je considère cela comme un nouveau départ pour ce cliché-là !

Vos deux films ont pour héroïnes des femmes qui luttent contre l’adversité. C’est une coïncidence ou cela vous attire ?
Je suis attirée par les personnages qui doivent reconstituer un puzzle pour que leur vie fonctionne. Ce qui implique souvent de nombreux choix difficiles. Je suis très attirée par la comédie aussi. Pas la comédie grand public, mais celle qui révèle l’absurdité de la vie. Ce qui m’emballe, ce sont les gens qui se battent contre des circonstances difficiles. Je veux voir comment ils s’en sortiront. Un jour, quelqu’un m’a dit que dans certaines vies, on pouvait avoir l’air d’avancer à pas de géant, d’atteindre des sommets alors que dans d’autres, il fallait une énergie et un effort aussi importants pour avancer d’un centimètre. Le cycle de l’effort, des obstacles, de la détermination… voilà les vies que je veux raconter.

Pourquoi tourner ce film avec la caméra RED ?
Il y a eu de longues discussions avec ma productrice et co-scénariste, Anne Rosellini, et mon chef-op’ Michael McDonough, pour savoir quel équipement nous utiliserions. La beauté des paysages des Ozarks réclamait une prise de vues de qualité, ce qui n’est jamais facile sur un petit budget. On a choisi la RED, qui défrayait depuis quelques mois la chronique du cinéma indépendant. C’est un outil génial et bon marché, inventé par un businessman un peu bizarre, James Jannard : une caméra 4K, c’est-à-dire dont le nombre de pixels est très proche de la qualité du film, sur laquelle ont peut adapter des objectifs 35 mm. C’est la caméra que Soderbergh a utilisé pour Che. La RED est pour moi l’avancée démocratique qu’on attendait pour la prise de vues, comme Final Cut Pro l’a été pour le montage.

Critique de Winter’s Bone à lire ici

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